Le Sénégal ressemble à un peuple sans but, encore une fois. J’ai souri en entendant certains inconditionnels du régime de Macky Sall dire que dans son discours à la nation hier soir, le chef de l’Etat a choisi de mettre l’accent sur ce qui unit les Sénégalais plutôt que sur ce qui les divise. D’autres vont jusqu’à fustiger la posture de l’opposition qui a poliment décliné l’invitation du président de la République à se joindre à lui pour célébrer le 63e anniversaire de l’indépendance du Sénégal. Ils estiment que tous les citoyens sénégalais, quelle que soit leur appartenance politique et sociale, devraient gommer les différences pour célébrer ce moment solennel au nom de la « courtoisie républicaine ».
Je concède que la politique peut être parfois un exercice violent qui donne la vedette plus aux clivages destructives qu’aux compromis féconds. Mais elle nous laisse toujours du temps pour la courtoisie qui, lorsqu’elle est empreinte de sincérité, est la plus attachante des vertus sociales. Elle ne coûte rien, mais elle achète tout – y compris la paix sociale.
En temps normal, la fête de l’indépendance devrait être l’occasion de construire un espace de dialogue entre les forces vives de la nation, qui doivent renouer avec les règles de la bienséance et de la civilité républicaine. Mais au Sénégal, ces règles sont passées à la trappe car celui qui est censé en être le premier garant trahit de manière quasi quotidienne une perle de la sagesse africaine : « La parole d’un chef est comparable à l’eau versée. Elle n’est plus reprise dès qu’elle est dite ». Nous récusons la culture du « Wax, waxat » et restons attachés à cette sagesse ancestrale – gravée dans notre mémoire comme sur un roc – que l’homme n’est rien en dehors de sa parole et ses actes. Et si vous voulez gagner la confiance de ceux qui vous écoutent et vous observent, vous devez être vrais dans vos propos et dans vos actes.
Si les paroles d’hier de Macky Sall trahissent ses actes d’aujourd’hui, ce n’est pas un discours à la nation qui peut convaincre de la sincérité de son appel au dialogue au mieux de la stabilité du pays. Il doit poser des actes forts et lever au préalable toute équivoque sur sa troisième candidature. Il avait affirmé avec force qu’il ne pouvait pas se présenter une deuxième fois à sa propre succession. Malheureusement, hier soir, il a raté une excellente occasion de réitérer ses intentions d’homme de parole lors de ce que je considère comme son discours à la nation en tant que président de la République.
J’ose croire qu’il en sera ainsi, même si tout dans les agissements des partisans du régime de Macky Sall indique qu’ils veulent imposer une troisième candidature. Mais, il faut leur rappeler que celui qui impose perd tout droit à la courtoisie !
Dr. Mamadou Bodian Chercheur à l’université Cheikh Anta Diop Administrateur Général de FDS-Les Guelwaars #Senegal #kebetu #YewwiAskanWi