Pendant des années, Babacar Khouma a été une figure bien connue à Pikine et Guédiawaye, apprécié dans les milieux sportifs sous le sobriquet de « Docteur Khouma ». Ce quinquagénaire, au service du centre de santé Baye Talla Diop, jouait les soignants attitrés sans jamais avoir mis la main sur un diplôme médical légitime. Cette usurpation de fonction, doublée de mise en danger de la vie d’autrui, vient de lui valoir une condamnation par le tribunal des flagrants délits de Pikine-Guédiawaye. Affecté en 2015 par la mairie de Pikine Ouest, Khouma n’est ni médecin, ni infirmier diplômé. Pourtant, il s’est procuré un cachet à son nom, estampillé « Infirmier d’État », avec lequel il a signé des dizaines de certificats médicaux – en particulier pour des élèves devant participer à des compétitions sportives. Le hic ? Aucun de ces enfants n’a jamais été ausculté. L’affaire a éclaté lorsqu’un vent de soupçon a soufflé jusqu’au bureau de Fatou Ndour, médecin-chef du centre. Déterminée à faire la lumière, elle mène une enquête interne et découvre l’ampleur du scandale : des certificats médicaux délivrés à la chaîne, sans examens, sans autorisation, et surtout sans compétence médicale. La police est alertée. Babacar Khouma est arrêté.
En garde à vue, il passe rapidement aux aveux. Au tribunal, il tente de se défendre, évoquant une formation médicale incomplète dans une obscure école de Keur Massar. Une justification jugée risible par le ministère public, qui a fustigé une « pratique dangereuse et irresponsable », soulignant les risques graves pour la santé des enfants : « Une erreur, une omission… et c’est le drame sur un terrain de sport », a tonné le procureur, qui avait requis 6 mois ferme. Malgré la gravité des faits, six avocats ont plaidé bénévolement pour défendre Babacar Khouma, invoquant sa bonne foi, ses 20 ans d’expérience dans le milieu de la santé communautaire et son engagement auprès de la jeunesse locale. Ils ont rappelé qu’il était souvent le seul à prodiguer des soins lors d’événements sportifs au stade Alassane Djigo. Mais cette défense n’a pas suffi à effacer la récidive. Car ce n’était pas sa première incartade : en 2021, une plainte similaire avait été déposée contre lui pour usage frauduleux du cachet du Dr Fall, médecin-chef de l’époque.
L’affaire avait alors été classée sans suite, certains parlant même d’interventions politiques. Cette fois, le tribunal n’a pas fléchi. Dans son verdict prononcé en fin de soirée, il a écarté les délits de faux et exercice illégal de la médecine, mais a retenu l’usurpation de fonction et la mise en danger de la vie d’autrui. Babacar Khouma a été condamné à un an de prison avec sursis. Une peine clémente sur le papier, mais qui scelle définitivement la fin de sa carrière illégitime au centre de santé.
Dakaractu