Le village de Bindialoum-Manjack, situé dans le département de Ziguinchor, en Casamance, a été le théâtre de douloureux affrontements liés au conflit casamançais. Pour préserver la mémoire de ce village martyr, la Française Anne Guérin a écrit un livre intitulé « Bindialoum, je te dis », dont la cérémonie de dédicace a eu lieu le samedi 22 février 2025, dans ce même village.
Bindialoum-Manjack, situé à 24 kilomètres de Ziguinchor et à 4 kilomètres de la frontière bissau-guinéenne, a connu une histoire tumultueuse. Comme l’explique Anne Guérin, l’ouvrage aborde trois axes principaux : la fondation du village et la vie quotidienne, l’impact des conflits (guerre d’indépendance en Guinée-Bissau, puis conflit indépendantiste en Casamance à partir de 1982), et enfin, l’exode des habitants et leur retour progressif depuis 2020.
L’originalité de ce livre réside dans le fait qu’il donne la parole aux villageois eux-mêmes. « J’ai eu à cœur que ce soient les paroles des villageois qui fassent le livre », souligne Anne Guérin. « C’est un livre de recueil de récits. Il était très important que ce ne soit pas quelqu’un qui traduise où qui interprète. Ce sont les villageois qui parlent et leurs récits se juxtaposent et se répondent. »
L’abbé Camille Joseph Gomis, prêtre de Ziguinchor actuellement en mission en France, est à l’origine de ce projet. « Il a été écrit pour préserver la mémoire du village », explique-t-il. « Quand nous sommes arrivés à Bindialoum, nous nous sommes rendus compte que 25 ans, c’est une génération. Nous avons d’ailleurs fait une messe d’action de grâce pour le retour, mais aussi une messe de requiem pour confier à Dieu les âmes de nos parents qui n’ont pas pu revenir. »
Né à Ziguinchor et ayant grandi en partie à Bindialoum, l’abbé Gomis est particulièrement touché par les difficultés endurées par ce village. « Un village que nous avons été obligés d’abandonner, de quitter depuis 1995 et que nous retrouvons depuis 5 ans. Nous participons activement à sa reconstruction », témoigne-t-il. « Le livre, c’est préserver la mémoire de ce village afin que chacun puisse connaître le début du village, sa fondation, les temps que nous avons passés ici, vivre l’exil et enfin, raconter l’espérance et l’espoir des gens pour sa reconstruction. »
« Bindialoum, je te dis » est bien plus qu’un simple livre. Il joue un rôle psychothérapeutique et de prévention des conflits. « Pour que chacun puisse s’attacher à son village et travailler à le développer, essayer d’oublier les difficultés pour pouvoir rebondir et construire ce village de Bindialoum », espère l’abbé Gomis.
Ce livre s’inscrit également dans le cadre de la « génération non-violente », un vaste programme initié il y a une dizaine d’années et qui vise à contribuer à la paix en Casamance. « Nous avons passé quatre ans à sensibiliser les religieux de notre région, musulmans, prêtres, adeptes de la religion traditionnelle, pour leur dire que nous voulons entamer ce travail d’écoute et de recueil des blessures et des traumatismes liés à cette guerre », précise l’abbé Gomis.
« Bindialoum, je te dis » est un témoignage poignant de la résilience d’un village et de la volonté de ses habitants de tourner la page sur un passé douloureux. Un livre essentiel pour comprendre l’histoire de la Casamance et les enjeux de sa reconstruction.
Seydou GASSAMA