Malheureusement, au Sénégal, nous avons trop souvent tendance à nous indigner des fruits sans jamais nous attaquer aux racines du mal. Qu’a fait la sous-préfecture de Cabrousse ou la mairie de Ziguinchor pour prévenir les risques supposés de troubles à l’ordre public ou d’atteintes aux bonnes mœurs, afin de préserver le caractère événementiel du festival et son attractivité ? Rien, à part voir une autorité municipale demander à interdire l’événement à la dernière minute, quelques heures seulement avant son déroulement.
Par ailleurs, la prétendue corrélation entre une montée du VIH et l’organisation de ce rassemblement, invoquée par certains pour justifier son interdiction, est non seulement infondée, mais scientifiquement intenable. Aucun élément précis et sérieux ne permet d’associer cet événement à une quelconque propagation de cette maladie.
Il ne faut pas que l’autorité publique abuse de ses prérogatives en s’appuyant sur des perceptions erronées qui piétinent les principes fondamentaux et les libertés des citoyens. Plutôt que d’interdire des événements culturels et touristiques qui existent depuis des années, il serait bien plus pertinent de les encadrer, en rappelant aux organisateurs leurs responsabilités et le respect nécessaire des règles communes, dans le cadre d’une politique d’anticipation et non de réaction.
La politique de la réaction est toujours le refuge des autorités sans boussole, incapables d’anticiper, mais promptes à sabrer ce qu’elles ne comprennent pas. Quand on interdit à la dernière minute, c’est qu’on a dormi pendant la préparation, qu’on n’a ni écouté, ni observé, ni respecté. C’est une faillite déguisée en fermeté. Un adjoint au maire qui attend la veille d’un événement pour dégainer publiquement l’interdiction d’un festival ne fait que révéler son impuissance, son incompétence et son absence de vision stratégique.
Tout bon représentant de l’Etat, soucieux de l’hémorragie qui touche le tourisme dans ce pays et en Casamance en particulier, ne doit pas être un spectateur angoissé de la vitalité culturelle de ses citoyens, encore moins un censeur maladroit. Il doit être bâtisseur, accompagnateur, garant de la liberté et de l’ordre, pas fossoyeur d’initiatives.
Briser l’élan d’un festival, c’est piétiner des mois de préparation, balayer les investissements d’acteurs engagés, et frapper un coup dur à la dynamique de développement culturel et touristique dans une région qui en a cruellement besoin. Des jeunes se battent pour créer, fédérer, faire vivre leur territoire autrement que par l’exil ou la résignation. Et l’on ose leur opposer le silence administratif ou la sanction tardive ? C’est tout simplement saboter son propre avenir, dans une zone où le tourisme, déjà moribond, peine à se relever, en grande partie à cause de l’incompétence persistante de ces mêmes autorités locales.
Ce qu’il faut, ce n’est pas interdire, c’est encadrer encore une fois avec intelligence, rappeler les devoirs sans étouffer les droits, et comprendre que le Sénégal n’avancera pas en punissant ceux qui osent rêver plus loin que les bureaux climatisés. Il est donc plus que jamais urgent que l’État fasse preuve de discernement, de cohérence et de mesure, afin d’éviter toute dérive autoritaire susceptible de nuire aux droits fondamentaux et à l’image de notre démocratie.