Le football sénégalais traverse actuellement une phase de baisse de régime généralisée, qui se reflète dans le contenu global de nos différentes équipes nationales, toutes catégories confondues. Pour la première fois depuis longtemps, toutes nos générations victorieuses sont en train d’être renouvelées en même temps. Cette phase de transition, bien que naturelle dans la vie d’une nation sportive, est aussi particulièrement risquée. Le dernier exemple le plus frappant est le manque d’efficacité collective inhabituel qu’ont laissé transparaître nos U17, par ailleurs tenants du titre, lors de la Coupe d’Afrique de leur catégorie, actuellement en cours au Maroc, où ils viennent d’être éliminés en quarts de finale (tout en étant qualifiés pour le Mondial de leur catégorie).
Mal géré, ce renouvellement de cycles pourrait non seulement nous faire perdre notre position actuelle sur la scène continentale et mondiale, mais aussi nous coûter une décennie de reconstruction. Chez les A, le sélectionneur, Pape Thiaw, récemment nommé fait face à une pression énorme : il doit réussir sportivement tout en cherchant à s’imposer comme une figure légitime. Il doit convaincre l’opinion nationale, ses joueurs, ainsi que les autorités sportives et étatiques de sa capacité à incarner un nouveau projet. Si la bande à Sadio Mané peine déjà à dominer sa poule pour décrocher la qualification à la prochaine Coupe du Monde, la situation est encore plus préoccupante chez les jeunes, où la baisse de régime entre les différentes catégories nous interpelle.
Il faut peut-être rappeler un paradoxe que nous connaissons tous, mais que nous semblons maladroitement invisibiliser : notre pays a remporté tous les trophées continentaux en toutes catégories, sans jamais s’appuyer sur une politique sportive nationale solide. Ce succès, bien qu’il soit le résultat de plusieurs décennies d’attentes et sacrifices, reposait en grande partie sur les efforts individuels des clubs, les initiatives locales isolées, ainsi que sur les parcours de joueurs formés entre le pays et l’étranger. La FSF a bien sûr joué son rôle, mais nos victoires n’ont jamais été le fruit d’un système national cohérent porté par une DTN forte, stratégique, stable et visionnaire, qui tient une politique ambitieuse, établie transmise à travers nos structures sportives nationales. C’est là notre principale faiblesse.
Malgré les critiques répétées et les alertes lancées par de nombreux acteurs du milieu, aucune politique sportive globale, proactive et stratégiquement bien établie, avec des mécanismes cohérents, compétitifs et efficaces, partant des hautes sphères de l’État jusqu’aux instances régionales, n’a été mise en place pour structurer durablement la formation, le suivi et la compétitivité des jeunes footballeurs, afin de créer une solide échelle de victoires durables. Certains pourront évoquer les nombreux stages de présélection à Toubab Dialaw ou à Guéréo. Mais en réalité, ces regroupements ne sont pas d’une innovation structurelle révolutionnaire, car ils existaient déjà depuis longtemps. Ce qui manque aujourd’hui, ce n’est pas forcément l’infrastructure, mais une méthodologie claire et une vision durable. Nos ligues régionales n’ont pas une politique d’encadrement des petites catégories. Et la transition entre les générations se fait sans stratégie de continuité structurellement établie.
Tous mes encouragements à nos jeunes, aux entraîneurs, aux fédéraux. Évaluons nos performances et faisons notre autocritique, essayons de revenir plus forts. Nous devons comprendre qu’il est certes difficile de dominer deux décennies de suite, mais il est tout à fait possible de faire en sorte que les périodes de disette soient courtes et maîtrisées. Il ne suffit plus de former de bons joueurs, il faut désormais bâtir un système résilient, durable, capable de traverser les cycles sans laisser transparaître des cycles d’une peur profonde ou s’effondrer à chaque transition.
@CherifSadio.